19 mars 2016

Fractales


Les couleurs s'estompent comme dans un cahier à colorier. Les femmes des tribus m'enveloppent de leur féline compassion, nous dansons dans la symétrie des couches de liquides qui s'entremêlent, nous rions dans ce monde de vagues multicolores qui m'entrainent vers le fond de moi-même, les questions passent près de moi comme des oiseaux dans le ciel, elles n'ont plus d'importance, car ici tout est plus grand que le mental. C'est à l'interieur où tout se crée, où tout s'est ramassé, accumulé. Je pense à ces cellules qu'on m'a dites cancéreuses. En réponse, il y a cette pile constituée de fleurs séchées, de bois et d'un pied nécrosé, puis se forme devant moi un crâne humain ouvert rempli de sang. Celui de ma propre projection mentale, de ma peur qui se dissout devant les grands dieux courroucés des cycles de l'existence de la mort tibétaine. Des dizaines de tubes noires se renversent à l'intérieur du crâne, ce sont peut être d'où proviennent les idées. Le cercle de la vie, les cycles de la peur et de l'anxiété prennent tout leurs sens. Les femmes des tribus me recouvrent de liquide noir, je perçois l'odeur des civilisations anciennes et de leur sagesse. Je me souviens du pèlerinage sur ces chemins. Je suis dans l'utérus intemporelle du monde, face à la Madonne noire qui vit en mon sein. Mon corps malade sous sa sorcellerie, comme un nid d'aiguille portant le germe de la conscience. La plus douce des femmes ténébreuses, son visage dans l'ombre camouflant les traits d'un monstre d'ailleurs. Elle est puissance et destruction, elle est l'autre, ce côté qui crée l'équilibre, cette violence que je refoule. Ces paroles pleine de haine que je n'avais jamais hurlé, ces têtes coupées que je n'avais jamais imaginé. Devant moi, elle était là pour toutes ces fois que je n'avais pas montrer les dents. J'étais liquide comme le monde, submergée par le mouvement de la vie. Ce mouvement désagréable qui nous pousse à aller chercher de l'eau, ce mouvement de survie. Le cercle de la vie tournent autour de la force contraire des opposés. Pourtant si proche, sous la terre des jardins, entre l'écorce des arbres, dans la médecine des plantes. Le monde des esprits et les connaissances ancestrales. Je suis seul et je suis tout. Les voix ne s'entendent que dans le silence de l'esprit. Elles sont comme ses mélodies de piano que grand-maman jouait alors que je me cachais sous les grandes feuilles dans son jardin de fleurs. Subtiles, éloignées, les notes traversaient les murs de pierres, flottant dans le silence des mots de mon esprit d'enfant sans questions. N'y amenant que ce qui était. Il n'y avait pas plus à comprendre, pas d'identification. Je n'étais que ce que je voulais être, je n'était pas les mots que l'on m'avait appris, ceux répétés sur une feuille de papier sans la permission de parler.