18 septembre 2018

Mamie



Elle ne vient que si on l’appelle. Dans la brume des eaux des rochers d’ailleurs, à la maison. Les feux feux follet les lucioles des lanternes de plages, grande ouverte porte de champignons. 

Vieille comme les algues, le rocher un visage creusé, debout jamais assise, les mots des histoires tracées dans son visage. Sa vieille peau incrustée d’amour et de pierres précieuses des os d’épaules un long collier de perles blanches noix et racines. Sac de médecine papier parchemin de bouleau, sortilèges d’encre de misère.

Elle a vu, avec ses yeux d’amanite sous les pierres dans le sang du cœur le sang qui coule de ton ventre. Mamie voit avec les yeux des plantes et des limaces ses pupilles blanches qui s’égouttent qui glissent sur la mousse, des yeux racines qui s’enracinent dans la terre.

Son vieux dos courbé couvert de pierres. Elle avance comme une mère, elle reconnait chaque visage tous enfants d’elle, de ses vieux os qui craquent sous les montagnes nous mangeons la même viande, le même lait. Les blessures pleurées dans la pierre, durcit comme du plastique entre les dents, le long bras de mamie comme une vieille branche dans les viscères elle arrache délicatement la pierre.

Elle cueille la blessure comme une perle fragile de rosée, du bout de longs ongles noircis de cercles tracés dans la terre, de dents perdues dans la chair. Dans le creux de ses vieilles mains, sous les yeux blancs, les lignes du destin elle voit l’avenir comme un rêve celui des plantes déracinées du savoir des anciens.

Larmes joie peur la beauté qui fond comme une chandelle, un corps de cire qui brûle de vivre mourir dans les pierres sont glissées les mots qui font pleurer. Donner à Mamie les pierres elle les chérit comme des enfants en diamants incrustés dans son panier de branches tressées.

Mamie pleure c’est la beauté qui rend aveugle ses vieux yeux blancs à force d’aimer du regard. Bénir bénédictions jusqu’aux os au lait brumeux. Elle dépose la pierre sur son dos parmi sa pile de triste de colère un fardeau de reine de sorcière au squelette cimetière.

Elle retourne dans la mer, l’eau salée comme des draps algues tambours des anciennes roches d’étoiles du temps d’avant lentement elle se glisse sous les vagues avec nos fardeaux, ses cadeaux.




Avec ses griffes de poule elle gratte la terre lacère la chair, des yeux de chèvre qui te regarde perdu dans le lichen, tu l’appelle sans la connaitre, elle flotte sur les fougères elle veut aider, maman elle veut manger dans son ventre vide les enfants.

Une vieille souris aveugle à la queue tordue, toute petite dans son lit d’emballages vides de cartes postales d’allumettes brulées. Venez avec vos souliers danser dans le cercle des amanites, sur sa peau ridée des bisous de parfum d’achillée, elle s’enracine dans les vaisseaux sanguins, elle collectionne les yeux dans le creux de ses mains. 


D’amour on trie les longs fils plumes de son dos courbé, une soupe aux pierres du jus d’amulettes.
Ouvrir ta peau du bout des ongles comme une enveloppe un cadeau un gâteau entre les reins, d’amour enveloppée de bonbons multicolores incrustées dans la chair malade, moisissures qui poussent sur la grande maison de pierre nous sommes sauvés.

L’instinct qui vacille entre les réalités qui dit sauves toi mon p’tit cœur, mais quelque chose de fort qui cri dedans où ça brûle de bouger de mouvements entre les racines, les artères, le savoir des livres sur la langue de serpent entre ses vieilles dents grises de glaise, crache des mots de sang noir dans la marmite.

Manger de la boue trier la poussière se coudre les joues, Mamie même si tu me découpe en morceaux tout petits, je dirai merci. Garde-moi dans tes grands bocaux comme l’on garde les beaux papillons percés d’aiguilles sur le mur des grands musées.

Dans la forêt, viens avec moi mon p’tit cœur ma friandise, je t’apprendrai à marcher sans soulier la langue coupée. Des pansements sur tes bisous, ton grimoire et ton couteau pour trancher la nuit les ombres et les fruits que te donnerons les esprits.

Dans la forêt, viens avec moi mon p’tit cœur ma friandise, nous gratterons la terre pour y trouver les vœux des anciens, nous mangerons les racines qui oublie dans les couleurs les mots les chemins, perdus nous sommes enfin nous-même meurt mais ne meurt pas entre mes lamelles ton cœur qui se débat, ma friandise n’est pas peur sous mes grandes dents sont les berceuses dans mon ventre un lit de plume meurt dedans et je te donnerai un nouvel œil, celui qui voit derrière les pierres les parcelles d’arc-en-ciel.




Je suis la mouche dans ta soupe les poils sur tes lèvres les cicatrises sur ta peau
ta peau qui vieillit comme les fleurs du jardin de Mamie
Je suis les yeux sombres et les caries,
Laisse-moi entrer dans ta maison de livres et de sel
la misère ce n’est pas ce que tu crois ce que tu écris

Fais-moi confiance le lait de tes céréales sous mon vieux regard tu t’élèves
Les trous dans ta peau comme un vieux papier journal les plumes tombées d’une harpie
Égouttes-toi avec moi avec les filles les lunes les bêtes sauvages des marécages

Tu es née de la boue ta chair d’amanite de feuilles mortes d’os de glaises
La lune luminescente éclaire ta peau endurcit tes côtes et fait pousser tes ongles

Enfant de lune, de crapauds et de miel
Tu es mes yeux blancs, tisseuse du grand fil 
Tu es créature tu es ma fille