25 août 2012

Le monde de Vitriol


Je ne sais pas si c’est l’interminable silence de l’attente d’autrui ou le large miroir devant moi qui m’intimident le plus. Pourtant, je suis bien ici, j’ai toujours été bien sans vraiment savoir pourquoi. Le silence fut brimé quelques secondes par le bruit des assiettes qu’on empilent. Mélancolique sonorité qui me berce dans le silence. Elle traverse les murs et la ventilation, jusqu’à moi et mon reflet; elle me donne envie de rêver. Je joue avec ma cuillère dans ma soupe tiède prenant peu a peu conscience de ce qui m’entoure. Il n’y a ici, que ma réflexion, mais non loin de nous, certains commencent a vivre, tout comme moi il y a vingt ans alors que d’autre terminent leurs périples. Je suis dans un cocon muet, alors qu’à quelques pas de moi, on se transmet la vie. On meurt afin de permettre à un autre de naître.
C’est beau, c’est triste, c’est magnifique. Mon petit sundea a fondu.
L’air est emplit de pensées et de masques; il sont bons et mauvais, plein d’espoir et de craintes. Je me questionne à savoir en combien de temps ma tête exploserait si je parvenais à tout entendre et voir, ne serait-ce qu’un millième de seconde.
Le temps existe en ce moment, et il est mon plus grand ennemis. Je parle, je parle de plus en plus longtemps à celui qui n’a jamais connu l’existence. Je lui demande comment l’on peut vivre avec le fait de ne pas exister. Comment on se sent? J’aurais cru qu’il était malheureux, qu’en habitant son perpétuel vide inexistant, il ne ressentirait que l’absence de l’existence à chaque inspiration. Mais non. Ce chérubin me murmure des mots que je n’ai encore jamais entendus. Sa voix caresse mes sens et purifie mon corps de toutes mauvaises pensées ou de douloureux souvenirs. Elle emplit les recoins vides de mon âme par son inexistence. Sa voix est une litanie de paix, tout se brise et tout se reconstruit. Je vois l’intérieur de chaque chose, il n’y a plus de secret. Sa voix descend en mon ventre afin de continuer son murmure dans le plus profond de mon être charnel. Mon sang se blanchit jusqu’à devenir transparent, les couleurs s’accentuent et ma vision s’élargit. Mon corps se soulève sous les murmures entassés, je voudrais tous les manger, les protéger au fond de moi. Éphémère moment, qui prit fin trop rapidement. J’oublie déjà ce que me disaient les murmures, j’oublie déjà les secrets cachés sous les peintures de l’existence, je voudrais retenir l’enfant qui me murmure les secrets de l’inexistence, mais je suis là, seule avec mon reflet. Je suis ici dans cette hôpital de mon plein gré, et ce, sans raison particulière. Je mange ma soupe et mes raisins au yogourt qui goûtent l’enfance, alors que je pourrais faire des centaines d’autres choses. Je me glisse sans un bruit dans la chapelle, observant discrètement cette femme qui prie. Je me demande si l’enfant lui a montrer ce que j’ai vu, je voudrais savoir pourquoi elle prie aujourd’hui, ici, près de moi. Je voudrais pouvoir lui dire que tout vas bien et que l’on peut jouer a être ce qu’on a toujours voulu être, ensemble. Mais je ne peux m’empêcher de rester muette devant sa souffrance. Le silence crie la cacophonie. Les bébés dorment paisiblement, ne sachant pas encore que leur vie commence. Ils sont la pureté même de l’humain dans leur plus fragile représentation. Ce sont eux les chérubins de l’existence. Je descends dans les artères de l’hôpital cherchant des malades à qui confier mon raisonnement, en vue d’un éternel perfectionnement de cette pensée.
Face aux portes de l’ascenseur, mes pieds se soulèvent par de petits sauts intermittents. Le cœur bat lentement sous moi. Je me sens bien. J’aimerais appuyé sous tous les boutons en même temps, visiter toutes les salles et parler à toutes les personnes.. mais le temps existe encore, et je dois retourner travailler. Aider cette jeune génération perdue à créer de nouvelles couleurs pour cette tâche ardue qu’est de peindre un nouveau monde. Un meilleur monde.
19 février 2010.